lundi 22 juin 2009

Deuxième étoiles.

Samedi 04 juin 06h30, je suis déjà ailleurs. Grincement de porte. Bruit familier et rassurant. Détail insignifiant qui me ramène à la réalité . Apparaît le visage de Lucas. A y'est! c'est fini...RRRos dodo!


10h00, un mauvais café à la main. Gare de Nantes. J'aime les gares et leurs ambiances si particulières. Point de départ de tant de voyages ou les destins et les histoires se croisent et s'entremêlent. Ou le drame côtoie le bonheur. Ou les odeurs et les bruits me transportent vers l'inconnu.


Dans vingt minutes part mon train. Destination Bordeaux. Puis le car en direction de Hourtin afin de rejoindre Piqueyrot et ma première nuit en bivouac...


Le temps passe, rythmé au son régulier des bogies glissant sur les rails. Paysages Charentais. Plat pays de bocages. Puis, arrivent la Rochelle et fort Boyart, citadelle de pierre trônant fièrement au milieu des flots. Enfin, après 4 heures passées à rêvasser, assis dans la froideur d'une climatisation déréglée d'un compartiment de train "corail", j'arrive gare Saint Charles à Bordeaux.


Dès que je foule du pied le quai de gare, une chaleur moite m'enveloppe, signe précurseur laissant présager ce que sera cette semaine d'aventure en Aquitaine.


Pour l'instant, il me reste l'après-midi à patienter avant de prendre la navette qui me mènera au premier bivouac. Je m'assieds à la terrasse d'un café. Le téléphone sonne, c'est Pascale. Nous avons voyagé dans le même train. Nous nous retrouvons donc et allons patienter ensemble en nous remémorant tous les bons moments de notre Trans Aq' 2008.


Bivouac sur la presqu'île de Piqueyrot (Hourtin)


Samedi soir, puis dimanche sont passés. Retrouvailles et embrassades avec les anciens et l'ensemble du staff d'organisation. Discussions à n'en plus finir sur les précédentes éditions. Première nuit sous la douce protection de nos tentes placées par groupe de trois, en forme de fleurs. Contrôle des sacs, inquiétude des "p'tits nouveaux"


-"que penses-tu de mes rations alimentaires?"
-"Quoi! ton sac pèse 5 kg 300? Le mien fait 6 kg 000!"
-"Je prends ou je ne prends pas de matelas?"
-"Et pour les pieds, tu fais comment?"
etc...,etc...


La traditionnelle "pasta party" du dimanche soir cède rapidement la place à une nuit ou je rêve de pistes sauvages, du bruit de l'océan, du chevreuil qui, furtivement chemine avec moi accompagnant mes pérégrinations éphémères.


Lundi 1er juin première étape Piqueyrot - La Gracieuse
28 km 322 m de D+


Voila une demi-heure que l'ensemble des concurrents a rejoint l'arche de départ. Je peux lire sur certain visage de l'inquiétude, sur d'autres, la certitude que cette première étape n'est qu'une mise en jambe.

Quand à moi, je profite des derniers instants de fraîcheur au bord du lac d'Hourtin. Comme à mon habitude, je ne ressens pas de pression particulière. Et pourtant, voici un an que je souffre d'une périostite. Un an avec des hauts et des bas. Un an à tenter vainement de me débarrasser de ce handicap. Voici trois mois, il a fallut que je me rende à l'évidence. La seule façon de me soigner est le repos complet! repos accompagné d'un traitement kiné de choc aie, aie, aie,...


Je prends donc le départ de la Trans Aq' sans avoir "testé" au préalable mes capacités à tenir la distance. Je verrais bien. Je sais également que mon expérience acquise lors de la précédente édition est un atout majeur dans ce jeux de poker menteur...

5, 4, 3, 2, 1, partez!

Décompte libérateur. Le gros de la troupe partie devant, je trottine à 8 km/h en compagnie de Dominique Mahot. De son pas régulier et sans jamais se défaire de son sourire légendaire, Dominique est un métronome.

Les premiers kilomètres défilent. Mono trace en forêt le long du lac. Il fait chaud. Cette Trans Aq' s'annonce ensoleillée. Euphorie de l'Ultra, beauté du paysage et odeurs si particulières aux forêts de pins et nous voila, groupe de six coureurs à l'entrée d'un camping! arrêt brutal. Demi-tour. Notre rêverie collective nous a fait perdre la bonne trace. Pourtant, ayant rejoint le carrefour ou nous nous sommes égaré, le balisage est évident.

Cette erreur a pour conséquence de nous rétrograder en queue de peloton. Ca commence bien, quatre kilomètres parcourus et nous voila, Dominique et moi bon dernier.

Arrivé sur la plage, le paysage est magnifique. Langue de sable à l'infini. Bordée à sa gauche par la dune sauvage, et à sa droite, l'océan Atlantique. Et puis, devant s'étire inexorablement le long ruban multicolore, formé par les 155 concurrents de cette Trans Aq' cinquième du nom.

Puis, quittant la plage, nous retrouvons ces pistes magnifiques bordant le lac. Succession de petites bosses, de monotraces.

Après deux heures de course nous apercevons un coureur assis à l'ombre d'une cabane. Des bénévoles l'encadrent attendant le médecin. Il s'agit de René. René qui, l'année dernière a été contraint à l'abandon après l'étape de nuit. Souvenir dramatique qui nous avez, Dominique et moi profondément meurtri.

Pour cette fois, il s'agit apparemment d'un coup de chaleur. Nous nous arrêtons. Dominique aide René à enlever son sac puis à s'allonger. Celui-ci, pris de haut le coeur parait en bien mauvais état. Je ne me sens pas la force d'assister une nouvelle fois à son éventuel abandon. Je quitte donc René entouré de Dominique et du médecin qui arrive à cet instant.

Nous retrouverons René à l'arrivée. Placé sous perfusion, il sera effectivement contraint à l'abandon.

Il me faut reprendre la piste. Affecté par l'état de René, je commence à broyer du noir. Je ressens des douleurs aux deux tibias. Le tendon d'Achille gauche me semble raide. J'ai soif, j'ai chaud, stop!

Trottiner, visualiser l'arrivée. Ne pas penser à autre chose qu'à l'arrivée. Et puis là bas, tout là bas il y a Lucas et Isabelle. Il y a également mon projet. Celui de récolter des fonds pour les orphelins des sapeurs-pompiers par le biais des kilomètres parcouru et "achetés" par des bienfaiteurs. Et puis, il y a tout ce qui, imperceptiblement me conduit sur les chemins et pistes de l'Ultra-trail. Toute cette force que je puise au travers des rencontres. Le plaisir que me procure le partage avec l'autre. Cet état créé par le fait de suivre une même et unique voie. La voie royale menant à l'harmonie par l'apprentissage de l'humilité. Ne se préoccuper que de l'essentiel...

J'ai parcouru cette étape en 4 h 35 et suis 141éme au classement général.


Mardi 02 juin La Gracieuse - Le Lion (Lacanau)
41,5 kms 480 m D+

Bonne nouvelle ce matin. René est venu me voir au bivouac pour me dire qu'il ne quittait pas la course. Il intègre le staff et sera donc chaque jour, présent sur la piste à différents points de contrôle

Dès le départ, la chaleur moite nous envahie. La piste serpente le long du lac d'Hourtin. Je suis à chaque fois émerveillé par ce paysage magnifique. Succession de monotrace et de petites bosses. Le lac, miroir argenté pailleté de pépites d'or, à la faveur de la lumière naissante de ce début de journée, joue à cache cache avec les coureurs.

Puis, s'ensuit de belles pistes en forêt. Ce matin, Dominique, Pascale et David ont décidés de faire route commune avec moi. Afin de "corser" quelque peu notre aventure, nous allons tenter quelques coupes autorisées par le règlement.


A la lecture du road-book, je décide de couper à travers bois. Nous devrions gagner un bon kilomètre!


Malheureusement, les stigmates de la tempête de décembre dernier sont encore bien présents. Nombre de branches et de pommes de pins jonchent les pistes mais également le sous-bois.


Lors de notre "coupe" à l'azimut, je saute un tronc couché dans une descente. Mon pied gauche heurte alors violement une souche cachée parmi les fougères. Douleurs fulgurante. Je sers les dents. Il sera temps, ce soir au bivouac de constater et de soigner les dégâts. Ce ne doit pas être bien grave, tout au plus un hématome.


Les minutes passent. La chaleur devient pour moi de plus en plus difficile à supporter. Pourtant, il ne fera ce jour que 24 °c à l'ombre. Nous sommes le plus souvent en forêt mais la particularité des massifs forestiers d'Aquitaine est d'être très humide. Chaleur + taux d'hygrométrie important me donne l'impression de courir tout habiller dans un sauna!


Le dernier tiers de l'étape longe au plus prêt le lac de Lacanau. Moment épique ou, quelques concurrents peu familiarisé avec la course nature et la lecture du road-book, chercherons leur chemin. Pourtant, il suffit de suivre la rive sur quelques kilomètres pour apercevoir au bout, un signaleur et la piste finale menant au bivouac.


A nouveau ces paysages emplis de quiétude. Arrivé à quatre au dernier ravitaillement, nous en sommes repartis à huit. Imperceptiblement, Dominique et moi nous nous laissons distancer. Notre course, rythmée par le son de nos pas sur le sable, nous pouvons à loisir contempler Les berges du lac. De magnifiques bâtisses jalonnent celles-ci. Ici, un héron dérangé par notre passage, s'éloigne sans crainte. Là, le clapotis de l'eau sur la coque d'un bateau, nous signale sa présence au coeur des roseaux.


Nous sommes si proches de la civilisation et pourtant, nous avons le sentiment de traverser des contrées sauvages à peine explorées.


Puis, les unes après les autres, les minutes défilent. Empruntant depuis quelques centaines de mètres une piste de "gemmeurs", passant au sommet d'une bosse, nous apparait en contrebas l'arche d'arrivée. Je franchi celle-ci main dans la main avec Dominique; Christophe Berton, André Siman et Pascale Ménard, nos coéquipiers de l'équipe O.SE.KI. ainsi que David Shearer sont présents et nous applaudissent chaleureusement.


Nous avons parcouru cette étape en 7 h 23 mn. Je suis 138 éme au classement.


Ce soir au bivouac, toutes les conversations portent sur "la longue". L étape du lendemain étant à tord considérée comme le juge de paix de la Trans Aq' (le plus dur est l'enchaînement de l'étape de nuit et le redépart du lendemain matin). Quand à moi, après une bonne douche à la seule pompe à main du bivouac, je me soigne les pieds. Coté ampoules RAS. Par contre, mon orteil m'inquiète et me fait souffrir. Les jambes fonctionnent et je ne ressens pas de douleurs aux tibias. Nous verrons demain...


Mercredi 03 juin Le Lion - Cap Ferret
57,3 kms 376 m D+


Départ tranquille toujours en compagnie de David, Pascale et Dominique. Météo prévue ce jour: soleil et 24°c. En fait, la température vat monté jusqu'à 31°c!

Je n'ai pas de souvenir particulier de cette étape et pour cause. Dès la première heure, je n'ai pas réussi à m'alimenter. Je vais courir (marcher!) toute la journée le ventre vide. La chaleur implacable en plus et me voilà zombi, cherchant uniquement à passer les barrières horaires.


Je sais que cette journée vat sérieusement entamer mon capitale physique. Ceci dit, si je rejoins l'arrivée, j'ai acquis l'expérience nécessaire pour savoir comment gérer le repos puis les étapes à venir. Si j'arrive à passer ce coup de bambou, demain est un autre jour et il est rare de ne pouvoir s'alimenter sur l'intégralité d'une telle épreuve.

J'ai parcouru l'étape en 10 h 33 et suis 110 éme au général.

17 abandons aujourd'hui. Une première sur la Trans Aq'!


Canicule et plage de sable fin (arrivée au cap Ferret)



Jeudi 04 juin quatrième étape Arcachon - La Salie

étape de nuit 39,2 kms 686 D+


Départ à 20h30 de la plage des abatilles à Arcachon. Deux kilomètres sur celle-ci et nous voila en sous bois. Alternance de mono trace et de piste plus ou moins large. Le premier ravitaillement se trouve à l'extrémité sud de la dune du Pyla au kilomètre quinze.


Je sais qu'il ne faut pas traîner. Après avoir parcouru avec délectation les douze premiers kilomètres, les arbres s'écartent et laissent place à un mur de sable. Vision dantesque de ces coureurs, desspérément accroché au flanc de cette montagne mouvante.


Depuis le départ de cette Trans Aq', je redoute énormément cette ascension. Le sable mou allié à la raideur de la pente contraignent les coureurs à escalader cette montagne de sable à quatre pattes. Et voila, pour un mètre gagné, je perds 50 centimètres. Le sable extrêmement roulant aspire mes quatre membres dans une danse infernale ayant pour but de me faire rejoindre le point le plus bas.


Je réussi à gravir non sans mal les 117 mètres de cette piste infernale en 10 minutes. Puis, comme si tout le sable d'Aquitaine s'était donné rendez-vous au sommet, il nous reste trois kilomètres à parcourir sur la crête, du sable jusqu'aux chevilles.


Heureusement, le paysage est comme à chaque fois grandiose. Couché de soleil sur le bassin d'Arcachon avec, comme avant garde terrestre et dernier rempart aux éléments liquides, le banc d'Argan et ses quelques bateaux de pécheurs rentrant au port.


Je ressens néanmoins ce que je redoutais. J'ai laissé beaucoup d'énergie dans l'ascension. j'ai le terrible sentiment de ne pas avancer. Je suis arrivé au pied de la dune en un peu plus d'une heure . Il me reste donc en théorie environ cinquante minutes pour parcourir les deux kilométres et demi me séparant du ravitaillement et donc de la barrière horaire.


Et puis, mètres après mètres, arrivé au sommet de la dernière bosse de sable, apparait dans la nuit le stroboscope annonçant le ravitaillement. Accompagné de Pascale Ménard je cède à l'euphorie et me laisse griser par une folle descente dans ce sable mou et protecteur.


Toujours le même accueil. Applaudissements, encouragements et sourires des bénévoles présents. Je regarde la montre, nous sommes à dix minutes de la mise hors course! Vite, remplir les bidons, s'alimenter et repartir.


J'attends Pascale et David que nous avons retrouvé à l'occasion de notre "arrêt au stand". Autour de moi, assis sur un banc à l'abri de la tente de l'organisation, je croise le regard hagard de quelques concurrents pour qui l'aventure s'arrête ici. Cette ascension est un moment clefs de la Trans Aq'. Instants magiques pour qui sais gérer. Instants de désespoir pour celui ou celle qui, comme beaucoup n'a pas appréhendé avec lucidité le passage de cette difficulté majeure de la Trans Aq'.


Le reste de la nuit nous conduira à travers les mystères de la forêt de La Teste pour finir sur une plage au son de l'océan et enfin au bivouac tant attendu. Aucun événement particulier ne va ponctuer cette étape, mise à part l'attaque organisée d'une escadrille de moustiques, aussi efficace que vorace, lors du deuxième ravitaillement.


Nous franchissons l'arche d'arrivée à 4 h 10 du matin. Une petite pluie fine tombe par intermittence. J'ai froid, mes pieds, mon épaule gauche mais surtout mon gros orteil me font souffrir. dans moins de quatre heures nous reprenons le départ en bus pour rejoindre le départ à Mimizan. Je prends néanmoins le temps de me faire à manger. Une pleine gamelle de nouilles chinoises fera l'affaire.


Assis à l'entrée de la tente. Dégustant ce plat chaud et hydratant. Protégé de cette pluie qui ponctue le temps et égraine les minutes au son régulier des gouttes sur la toile, je ne peux m'empêcher de penser à l'année dernière. C'est à la suite de cette étape que j'ai cru abandonner. Et là, je suis serein. Je sais que je vais gagner mon pari. Ce pari un peu fou de courir et finir la Trans Aq' avec si peu de préparation. Ce n'est donc pas folie de croire que cela est possible. De prouver que gestion de course et expérience sont deux atouts principaux pour rallier l'arrivée finale à partir du moment ou l'objectif n'est plus la performance...


J'enléve mes chaussures et je me couche dans mon sac de couchage en pensant à Dominique toujours en piste. Il est 05 h 00 ...


39,2 kms parcouru en 07 h 39. 107 éme au classement général


Plate la dune du Pyla?


Vendredi 05 juin 5 éme étape Mimizan plage - St. Julien en Borne

23,6 kms 292 D+


07 h 00. Aie, aie, aie, j'ai très mal à mon orteil gauche. Mes muscles semblent fais de bois. Dominique à rejoint notre tente quelques minutes après 05 h 00 du matin. Bonne nouvelle, L'équipe O.SE.KI. est toujours au complet.

Je mets mes chaussures. Quelques ampoules me brulent modérément. Je verrais cela après l'étape.

Je sors de la tente et croise le regard perdu et incrédule de Christophe:

-" tu es déjà debout? Tu as gardé tes chaussures aux pieds? Et en plus tu souris!!!"

Christophe a souffert sur cette étape nocturne. Le doute, ennemi sournois du coureur d'ultra, attend patiemment, tapi au plus profond de nous. Et puis, dès que la fatigue devient plus présente. Dès que les douleurs se font plus fortes, il sort de sa cache et commence son long mais quelques fois efficace travail de sape.

-"mais non, je n'ai dormi avec mes chaussures. Je viens de me rechausser et je vais me préparer pour le départ"

Je me force à paraître en forme car je sens Christophe limite, hésitant et prêt à abandonner si la tentation devient trop forte. Et bien non! il n'y aura pas d'abandon dans l'équipe et Christophe, comme nous tous effacera ses doutes et prendra à nouveau le départ.

Rien de particulier à dire sur cette étape si ce n'est qu'elle est plus courte de treize kilomètres que celle de l'année dernière et ça c'est une très bonne nouvelle! Néanmoins, ces kilomètres en moins aujourd'hui, nous les retrouverons en partie demain. Mais demain est un autre jour et surtout, le dernier jour. Dernière étape ou, jusqu'à présent, personnes n'a abandonné lors des quatre premières éditions.

04 H 06 et 110 éme place au général.

La fatigue sur les visages (avant dernière étape après l'étape de nuit)


Samedi 06 juin 6 éme et dernière étape St. Julien en Born - St. Girons plage

27,1kms 175 D+

Le réveil et difficile. C'est sous une pluie battante et les orages que nous plions bagages. Je me sens euphorique. Dans quelques heures je vais à nouveau franchir l'arrivée finale avec Lucas dans mes bras.

Bien au sec. A l'abri d'un barnum de l'organisation, un café chaud à la main je pense à ces derniers instants de course. Je suis à la fois heureux et déjà nostalgique. Plus que quelques heures et la Trans Aq' 2009 aura vécue. Je regarde autour de moi et profite de ces derniers instants.

J'observe les tentes ou chacun refait son "paquetage". Ce matin, les poubelles ressemblent à un marché aux puces d'après ultra. Matelas, tapis de sol et autres gamelles ou barres de céréales devenus inutiles sont enlevés des sacs.

Ici, un coureur perdu dans ses pensées ne se soucie pas de l'eau qui tombe, la bas, un autre quand à lui se demande s'il doit toujours avoir avec lui tel ou tel matériel... Petits instants de vie propre aux épreuves de longue distance.

Le départ salvateur retardé d'un bon quart d'heure pour cause d'orage arrive enfin. Je me surprends à courir à plus de 10 km/h. Dominique et David m'encadrent. J'entends Pascale me dire:

-"vous allez trop vite pour moi, je ralenti"

Quelques kms sur une piste cyclable à bonne allure puis nous empruntons un chemin en monotrace bordant un bois. L'ensemble des rescapés est comme transcendé par l'arrivée toute proche. Chacun veut à juste titre faire sa course. L'orage nous accompagne toujours. C'est avec les coups de tonnerre et les flashs puissants de paparazzis invisibles que ce termine la première heure de course.

Cette étape est très agréable. Chemins en sous bois et succession de montagnes russes. Pour un final sur la plage.

Toujours en compagnie de Dominique et David, alors que nous approchons des dunes, nous apercevons sur le bord de la piste un conccurrent couché au sol sous une couverture de survie. Il s'agit d'Amaury Hazard victime d'une double fracture tibia-pérronet à trois kilométres de l'arrivée. Deux infirmières sont à son chevet et attendent le médecin.

Puis, arrive la dune. Je laisse David et Dominique passer devant. Nous avons parcouru l'essentiel de ces 220 kms ensemble. Mais, ce final, nous devons le vivre seule. A notre rythme ces émotions n'appartiennent qu'à nous.

Je sors de la forêt et franchi la dune. Arrivé au sommet j'entends l'océan. L'émotion me submerge, je suis heureux.

Je distingue au loin les maisons de Saint Girons plage synonymes d'arrivée. Je cours entre océan et dunes. Par moments je ressens des bouffées de bonheur. Je suis heureux, je sais que Lucas et Isabelle sont au bout du chemin. Je ralenti pour profiter encore de la course, je saute une flaque d'eau, cours sur ce sable d'Aquitaine qui, depuis une semaine est le compagnon de route incontournable. Je me retourne, regarde l'océan à ma droite, les dunes à gauche, comme pour ne pas oublier ces instants magiques.

Les larmes coulent, incontrôlables. Et puis, au loin j'entends "Papa!" J'aperçois Lucas courant vers moi suivi d'Isabelle.

Je tombe à genoux...

-"Papaaaaaaaaaaa, papaaaaaaaaaaaaa,..."

Encore deux cent mètres. Dominique, David, Christophe, André, Mélanie, Margaux, Maureen, Josselin, ... tous sont présents à l'arrivée.

Lucas, comme son papa franchi sa deuxième arche finale de la Trans Aq'

Je suis heureux et j'éprouve à nouveau cette fierté propre à la réalisation de mes rêves. L'ensemble de l'équipe O.SE.KI. est parvenu au bout de ces quelques 220 kms. Nous avons partagé plus que quelques centimètres carré de tente.

Je boucle cette Trans Aq' en 38 h 02 à la 114 éme place au classement général.

Une amitié est née à nouveau entre les "vétérans" et les nouveaux venus. Plus qu'une équipe, nous avons formé une entité indissociable tout au long de cette semaine. Nous avons également partagé cette complicité avec David Schearer et Gérard Rousseau, nos compagnons et amis de la fleur "la bat du loup".

Epilogue:

  • Concernant Amaury Hazard, Gérard Caupène a décidé de lui donner le temps du dernier de la sixième étape et de le classer FINISHER. L'ensemble des participants à la Trans Aq' a salué cette décision et Amaury mérite comme nous tous son étoile de finisher.
  • Parlons pieds et rencontre fortuite avec une souche: diagnostic: fracture du gros orteil. Si ça ce n'est pas du mental que de finir dans ces conditions!... (lol)

Un grand merci à Pascale, Dominique, André et Christophe. Complices de cette semaine d'exception et équipiers de l'équipe O.SE.KI. A David pour sa bonne humeur et sa joie de vivre cette aventure. Mais également à Gérard et Caroline Caupène ainsi qu'à l'ensemble des bénévoles au grand coeur toujours présent pour nous rendre cette aventure réalisable et bien évidement à Hervé Arrouays, le magicien des bivouacs mais avant tout mon ami.

Ma participation à la Trans Aq' 2009 a été possible grace à mes partenaires:

Ville de La Baule, ville de Guérande, Mr. Christophe Mornet directeur de l'hôtel majestic à La Baule, l'entreprise AGIS "étiquettes adhésives", l'amicale des sapeurs-pompiers de La Baule-Guérande, l'Union Départementale des Sapeurs-Pompiers de la Loire-Atlantique.



L'équipe O.SE.KI. à l'arrivée
Enfin, un grand merci à l'ensemble des personnes ayant participé à l'opération au profit de l'Oeuvre des pupilles de sapeurs-pompiers.

Le monde de l'Ultra Trail en deuil!


"Tu verras dans le temple de ton ciel un visage de lumière, ton visage, mon frère, ma soeur, étincellant parmi la poussière d'étoiles humaines.
Tu es étoile. Ne l'oublie pas. Léve les yeux..."

Irénée Guilane Dioh écrivain sénégalais.



Terrible nouvelle, les corps sans vie de 3 trailers, une femme et deux hommes portés disparus en fin de semaine dernière alors qu'ils participaient au Grand Raid du Mercantour, ont été retrouvé par les gendarmes du PGHM à environ 2 300 mètres d'altitude.

Les conditions météo seraient à l'origine du drame.
En guise d'hommage, comme beaucoup d'autres UFOs, je porterai un ruban noir lors de ma participation au trail 56 le week-end prochain.

Toutes mes condoléances à leurs proches.




jeudi 11 juin 2009

Une semaine hors du temps

Lucas dans les bras de papa à l'arrivée de l'ultime étape
Et bien voila, la Trans Aq' 2009 est finie. Une semaine de course à pieds hors du temps. Pourquoi allez chercher à des milliers de kilomètres, ce que la France peut nous ouvrir de plus sauvage?

Ces quelques jours passé en Aquitaine ont à nouveau rimé avec Solidarité, fraternité, amitié, mais également avec doute, souffrance, chaleur et sable...

Arrivée avec Dominique Mahot au bivouac "du Lion"



Avancer, mettre un pied devant l'autre, puis recommencer. Aller de l'avant. Donner un sens à sa vie...
Récit complet dans quelques jours.