
32, rue Breguet
L'essentiel n'est pas au bout du chemin, l'essentiel est le chemin...
Samedi 04 juin 06h30, je suis déjà ailleurs. Grincement de porte. Bruit familier et rassurant. Détail insignifiant qui me ramène à la réalité . Apparaît le visage de Lucas. A y'est! c'est fini...RRRos dodo!
Mardi 02 juin La Gracieuse - Le Lion (Lacanau)
41,5 kms 480 m D+
Bonne nouvelle ce matin. René est venu me voir au bivouac pour me dire qu'il ne quittait pas la course. Il intègre le staff et sera donc chaque jour, présent sur la piste à différents points de contrôle
Dès le départ, la chaleur moite nous envahie. La piste serpente le long du lac d'Hourtin. Je suis à chaque fois émerveillé par ce paysage magnifique. Succession de monotrace et de petites bosses. Le lac, miroir argenté pailleté de pépites d'or, à la faveur de la lumière naissante de ce début de journée, joue à cache cache avec les coureurs.
Puis, s'ensuit de belles pistes en forêt. Ce matin, Dominique, Pascale et David ont décidés de faire route commune avec moi. Afin de "corser" quelque peu notre aventure, nous allons tenter quelques coupes autorisées par le règlement.
A la lecture du road-book, je décide de couper à travers bois. Nous devrions gagner un bon kilomètre!
Malheureusement, les stigmates de la tempête de décembre dernier sont encore bien présents. Nombre de branches et de pommes de pins jonchent les pistes mais également le sous-bois.
Lors de notre "coupe" à l'azimut, je saute un tronc couché dans une descente. Mon pied gauche heurte alors violement une souche cachée parmi les fougères. Douleurs fulgurante. Je sers les dents. Il sera temps, ce soir au bivouac de constater et de soigner les dégâts. Ce ne doit pas être bien grave, tout au plus un hématome.
Les minutes passent. La chaleur devient pour moi de plus en plus difficile à supporter. Pourtant, il ne fera ce jour que 24 °c à l'ombre. Nous sommes le plus souvent en forêt mais la particularité des massifs forestiers d'Aquitaine est d'être très humide. Chaleur + taux d'hygrométrie important me donne l'impression de courir tout habiller dans un sauna!
Le dernier tiers de l'étape longe au plus prêt le lac de Lacanau. Moment épique ou, quelques concurrents peu familiarisé avec la course nature et la lecture du road-book, chercherons leur chemin. Pourtant, il suffit de suivre la rive sur quelques kilomètres pour apercevoir au bout, un signaleur et la piste finale menant au bivouac.
A nouveau ces paysages emplis de quiétude. Arrivé à quatre au dernier ravitaillement, nous en sommes repartis à huit. Imperceptiblement, Dominique et moi nous nous laissons distancer. Notre course, rythmée par le son de nos pas sur le sable, nous pouvons à loisir contempler Les berges du lac. De magnifiques bâtisses jalonnent celles-ci. Ici, un héron dérangé par notre passage, s'éloigne sans crainte. Là, le clapotis de l'eau sur la coque d'un bateau, nous signale sa présence au coeur des roseaux.
Nous sommes si proches de la civilisation et pourtant, nous avons le sentiment de traverser des contrées sauvages à peine explorées.
Puis, les unes après les autres, les minutes défilent. Empruntant depuis quelques centaines de mètres une piste de "gemmeurs", passant au sommet d'une bosse, nous apparait en contrebas l'arche d'arrivée. Je franchi celle-ci main dans la main avec Dominique; Christophe Berton, André Siman et Pascale Ménard, nos coéquipiers de l'équipe O.SE.KI. ainsi que David Shearer sont présents et nous applaudissent chaleureusement.
Nous avons parcouru cette étape en 7 h 23 mn. Je suis 138 éme au classement.
Ce soir au bivouac, toutes les conversations portent sur "la longue". L étape du lendemain étant à tord considérée comme le juge de paix de la Trans Aq' (le plus dur est l'enchaînement de l'étape de nuit et le redépart du lendemain matin). Quand à moi, après une bonne douche à la seule pompe à main du bivouac, je me soigne les pieds. Coté ampoules RAS. Par contre, mon orteil m'inquiète et me fait souffrir. Les jambes fonctionnent et je ne ressens pas de douleurs aux tibias. Nous verrons demain...
Mercredi 03 juin Le Lion - Cap Ferret
57,3 kms 376 m D+
Départ tranquille toujours en compagnie de David, Pascale et Dominique. Météo prévue ce jour: soleil et 24°c. En fait, la température vat monté jusqu'à 31°c!
Je n'ai pas de souvenir particulier de cette étape et pour cause. Dès la première heure, je n'ai pas réussi à m'alimenter. Je vais courir (marcher!) toute la journée le ventre vide. La chaleur implacable en plus et me voilà zombi, cherchant uniquement à passer les barrières horaires.
Je sais que cette journée vat sérieusement entamer mon capitale physique. Ceci dit, si je rejoins l'arrivée, j'ai acquis l'expérience nécessaire pour savoir comment gérer le repos puis les étapes à venir. Si j'arrive à passer ce coup de bambou, demain est un autre jour et il est rare de ne pouvoir s'alimenter sur l'intégralité d'une telle épreuve.
J'ai parcouru l'étape en 10 h 33 et suis 110 éme au général.
17 abandons aujourd'hui. Une première sur la Trans Aq'!
Canicule et plage de sable fin (arrivée au cap Ferret)
Jeudi 04 juin quatrième étape Arcachon - La Salie
étape de nuit 39,2 kms 686 D+
Départ à 20h30 de la plage des abatilles à Arcachon. Deux kilomètres sur celle-ci et nous voila en sous bois. Alternance de mono trace et de piste plus ou moins large. Le premier ravitaillement se trouve à l'extrémité sud de la dune du Pyla au kilomètre quinze.
Je sais qu'il ne faut pas traîner. Après avoir parcouru avec délectation les douze premiers kilomètres, les arbres s'écartent et laissent place à un mur de sable. Vision dantesque de ces coureurs, desspérément accroché au flanc de cette montagne mouvante.
Depuis le départ de cette Trans Aq', je redoute énormément cette ascension. Le sable mou allié à la raideur de la pente contraignent les coureurs à escalader cette montagne de sable à quatre pattes. Et voila, pour un mètre gagné, je perds 50 centimètres. Le sable extrêmement roulant aspire mes quatre membres dans une danse infernale ayant pour but de me faire rejoindre le point le plus bas.
Je réussi à gravir non sans mal les 117 mètres de cette piste infernale en 10 minutes. Puis, comme si tout le sable d'Aquitaine s'était donné rendez-vous au sommet, il nous reste trois kilomètres à parcourir sur la crête, du sable jusqu'aux chevilles.
Heureusement, le paysage est comme à chaque fois grandiose. Couché de soleil sur le bassin d'Arcachon avec, comme avant garde terrestre et dernier rempart aux éléments liquides, le banc d'Argan et ses quelques bateaux de pécheurs rentrant au port.
Je ressens néanmoins ce que je redoutais. J'ai laissé beaucoup d'énergie dans l'ascension. j'ai le terrible sentiment de ne pas avancer. Je suis arrivé au pied de la dune en un peu plus d'une heure . Il me reste donc en théorie environ cinquante minutes pour parcourir les deux kilométres et demi me séparant du ravitaillement et donc de la barrière horaire.
Et puis, mètres après mètres, arrivé au sommet de la dernière bosse de sable, apparait dans la nuit le stroboscope annonçant le ravitaillement. Accompagné de Pascale Ménard je cède à l'euphorie et me laisse griser par une folle descente dans ce sable mou et protecteur.
Toujours le même accueil. Applaudissements, encouragements et sourires des bénévoles présents. Je regarde la montre, nous sommes à dix minutes de la mise hors course! Vite, remplir les bidons, s'alimenter et repartir.
J'attends Pascale et David que nous avons retrouvé à l'occasion de notre "arrêt au stand". Autour de moi, assis sur un banc à l'abri de la tente de l'organisation, je croise le regard hagard de quelques concurrents pour qui l'aventure s'arrête ici. Cette ascension est un moment clefs de la Trans Aq'. Instants magiques pour qui sais gérer. Instants de désespoir pour celui ou celle qui, comme beaucoup n'a pas appréhendé avec lucidité le passage de cette difficulté majeure de la Trans Aq'.
Le reste de la nuit nous conduira à travers les mystères de la forêt de La Teste pour finir sur une plage au son de l'océan et enfin au bivouac tant attendu. Aucun événement particulier ne va ponctuer cette étape, mise à part l'attaque organisée d'une escadrille de moustiques, aussi efficace que vorace, lors du deuxième ravitaillement.
Nous franchissons l'arche d'arrivée à 4 h 10 du matin. Une petite pluie fine tombe par intermittence. J'ai froid, mes pieds, mon épaule gauche mais surtout mon gros orteil me font souffrir. dans moins de quatre heures nous reprenons le départ en bus pour rejoindre le départ à Mimizan. Je prends néanmoins le temps de me faire à manger. Une pleine gamelle de nouilles chinoises fera l'affaire.
Assis à l'entrée de la tente. Dégustant ce plat chaud et hydratant. Protégé de cette pluie qui ponctue le temps et égraine les minutes au son régulier des gouttes sur la toile, je ne peux m'empêcher de penser à l'année dernière. C'est à la suite de cette étape que j'ai cru abandonner. Et là, je suis serein. Je sais que je vais gagner mon pari. Ce pari un peu fou de courir et finir la Trans Aq' avec si peu de préparation. Ce n'est donc pas folie de croire que cela est possible. De prouver que gestion de course et expérience sont deux atouts principaux pour rallier l'arrivée finale à partir du moment ou l'objectif n'est plus la performance...
J'enléve mes chaussures et je me couche dans mon sac de couchage en pensant à Dominique toujours en piste. Il est 05 h 00 ...
39,2 kms parcouru en 07 h 39. 107 éme au classement général
Samedi 06 juin 6 éme et dernière étape St. Julien en Born - St. Girons plage
27,1kms 175 D+
Le réveil et difficile. C'est sous une pluie battante et les orages que nous plions bagages. Je me sens euphorique. Dans quelques heures je vais à nouveau franchir l'arrivée finale avec Lucas dans mes bras.
Bien au sec. A l'abri d'un barnum de l'organisation, un café chaud à la main je pense à ces derniers instants de course. Je suis à la fois heureux et déjà nostalgique. Plus que quelques heures et la Trans Aq' 2009 aura vécue. Je regarde autour de moi et profite de ces derniers instants.
J'observe les tentes ou chacun refait son "paquetage". Ce matin, les poubelles ressemblent à un marché aux puces d'après ultra. Matelas, tapis de sol et autres gamelles ou barres de céréales devenus inutiles sont enlevés des sacs.
Ici, un coureur perdu dans ses pensées ne se soucie pas de l'eau qui tombe, la bas, un autre quand à lui se demande s'il doit toujours avoir avec lui tel ou tel matériel... Petits instants de vie propre aux épreuves de longue distance.
Le départ salvateur retardé d'un bon quart d'heure pour cause d'orage arrive enfin. Je me surprends à courir à plus de 10 km/h. Dominique et David m'encadrent. J'entends Pascale me dire:
-"vous allez trop vite pour moi, je ralenti"
Quelques kms sur une piste cyclable à bonne allure puis nous empruntons un chemin en monotrace bordant un bois. L'ensemble des rescapés est comme transcendé par l'arrivée toute proche. Chacun veut à juste titre faire sa course. L'orage nous accompagne toujours. C'est avec les coups de tonnerre et les flashs puissants de paparazzis invisibles que ce termine la première heure de course.
Cette étape est très agréable. Chemins en sous bois et succession de montagnes russes. Pour un final sur la plage.
Toujours en compagnie de Dominique et David, alors que nous approchons des dunes, nous apercevons sur le bord de la piste un conccurrent couché au sol sous une couverture de survie. Il s'agit d'Amaury Hazard victime d'une double fracture tibia-pérronet à trois kilométres de l'arrivée. Deux infirmières sont à son chevet et attendent le médecin.
Puis, arrive la dune. Je laisse David et Dominique passer devant. Nous avons parcouru l'essentiel de ces 220 kms ensemble. Mais, ce final, nous devons le vivre seule. A notre rythme ces émotions n'appartiennent qu'à nous.
Je sors de la forêt et franchi la dune. Arrivé au sommet j'entends l'océan. L'émotion me submerge, je suis heureux.
Je distingue au loin les maisons de Saint Girons plage synonymes d'arrivée. Je cours entre océan et dunes. Par moments je ressens des bouffées de bonheur. Je suis heureux, je sais que Lucas et Isabelle sont au bout du chemin. Je ralenti pour profiter encore de la course, je saute une flaque d'eau, cours sur ce sable d'Aquitaine qui, depuis une semaine est le compagnon de route incontournable. Je me retourne, regarde l'océan à ma droite, les dunes à gauche, comme pour ne pas oublier ces instants magiques.
Les larmes coulent, incontrôlables. Et puis, au loin j'entends "Papa!" J'aperçois Lucas courant vers moi suivi d'Isabelle.
Je tombe à genoux...
-"Papaaaaaaaaaaa, papaaaaaaaaaaaaa,..."
Encore deux cent mètres. Dominique, David, Christophe, André, Mélanie, Margaux, Maureen, Josselin, ... tous sont présents à l'arrivée.
Lucas, comme son papa franchi sa deuxième arche finale de la Trans Aq'
Je suis heureux et j'éprouve à nouveau cette fierté propre à la réalisation de mes rêves. L'ensemble de l'équipe O.SE.KI. est parvenu au bout de ces quelques 220 kms. Nous avons partagé plus que quelques centimètres carré de tente.
Je boucle cette Trans Aq' en 38 h 02 à la 114 éme place au classement général.
Une amitié est née à nouveau entre les "vétérans" et les nouveaux venus. Plus qu'une équipe, nous avons formé une entité indissociable tout au long de cette semaine. Nous avons également partagé cette complicité avec David Schearer et Gérard Rousseau, nos compagnons et amis de la fleur "la bat du loup".
Epilogue:
Un grand merci à Pascale, Dominique, André et Christophe. Complices de cette semaine d'exception et équipiers de l'équipe O.SE.KI. A David pour sa bonne humeur et sa joie de vivre cette aventure. Mais également à Gérard et Caroline Caupène ainsi qu'à l'ensemble des bénévoles au grand coeur toujours présent pour nous rendre cette aventure réalisable et bien évidement à Hervé Arrouays, le magicien des bivouacs mais avant tout mon ami.
Ma participation à la Trans Aq' 2009 a été possible grace à mes partenaires:
Ville de La Baule, ville de Guérande, Mr. Christophe Mornet directeur de l'hôtel majestic à La Baule, l'entreprise AGIS "étiquettes adhésives", l'amicale des sapeurs-pompiers de La Baule-Guérande, l'Union Départementale des Sapeurs-Pompiers de la Loire-Atlantique.
Irénée Guilane Dioh écrivain sénégalais.
Amicales des sapeurs pompiers de La Baule-Guérande
Union Départementale des Sapeurs-Pompiers de Loire-Atlantique
Après d'autres exploits sportifs et en particulier, la descente intégrale de la Loire en kayak, Frédéric Blond, officier de sapeur-pompier à Nantes s'est lancé un nouveau défit. Celui de traverser l'océan Atlantique à la rame d'est en ouest.
Parti des îles Canaries, il a rallié la Guadeloupe après 66 jours de navigation à la seule force de ses bras!
Cette aventure hors normes, Frédéric l'a mise à profit pour récolter des dons en faveur des orphelins des sapeurs-pompiers français. Plus de 5000 euros ont donc été reversés à l'oeuvre des pupilles des sapeurs-pompiers.
Mon engagement pour cette noble cause ne date pas d'hier. Ma participation cette année à la Trans Aq' sera également l'occasion de faire connaître au plus grand nombre l'ODP, mais également, de pouvoir à mon tour reverser les dons que j'espère récolter par le biais des kilomètres parcourus à pieds et "achetés" par les donateurs.
Frédéric fait parti des personnes soutenant mon projet. Cette reconnaissance me touche profondément. Je suis fière de faire parti de ce monde ou le partage, la solidarité et l'altruisme sont les composants essentiels et le fil conducteur qui conduit à la réussite et à l'épanouissement personnel.
Frédéric, je te remercie sincèrement de ta confiance. Sache que chaque pas parcouru sur les plages, les dunes, les forêts et les chemins d'aquitaine, le seront en parti grâce à la confiance et à l'amitié partagée...
Passage de "témoin" aux deux Didier pour le relais suivant
Malgré des soucis de santé récurant, je reprends petit à petit ma préparation hivernale.
Celle-ci déjà très en deçà des objéctifs de l'année devrait néanmoins me permettre de m'engager sur les prochain trails sans trop d'appréhension.
Je dois bien avouer que courir en ces lieux enchanteurs est un privilège.
Le pas rasant, la semelle au plus prêt des vagues et du sable. Le vent, éternel complice de mes pérégrinations, portant à mes oreilles de rêveur éveillé, le chant des vagues et des oiseaux migrateurs. Vaisseaux des courants aériens, témoins de nos instants de vie, des boulersements programmés, de l'inconscience des hommes. Mais également de l'espoir qu'ils emportent sous leurs ailes...
Puis, comme surgit de nul part, l'espoir est là. Petite lueur invisible. Murmure des éléments. Paillette de je ne sais quoi.
Ecoute et sens me dit ce murmure!
Ecoute tout ce qui parcours ton esprit. Fais confiance à tes sens. Sens le vent, le souffle de la mer et ce message imperceptible, distillé avec parcimonie et venant de ce faucon crécerelle, frêle esquif hésitant entre mer et ciel qui partage mon parcours...
Je le sais, je le sens. Rien ne peut arrêter ma quête.